Pan sur la quille
Une chose me
console : il y a un dicton qui dit que la quille de PenDuick connait tous
les écueils de Bretagne.
Cela dit il
y a des évènements qui remettent les pendules à l’heure et qui nous rappelle la
modestie.
14 juillet,
il est au environ de minuit, je suis seul à bord à proximité de Trébeurden. Le
port ferme dans une ½ heure.
Je reviens
de Perros-Guirec après les festivités.
Le temps est
calme, un petit vent d’ouest F2 m’a ramené gentiment à la maison, tout va bien
à bord.
J’ai un peu flemmardé
en route et le port ferme dans pas longtemps, je peux aussi me mettre au mouillage,
mais je préfère ce soir là revenir au ponton.
Pas question
de passer de nuit par le chenal de Toull Ar Peulven, j’empreinte donc le chenal
principal de Toull Ar Men Meulen.
Les instructions
sont claires, il faut bien dégager vers le sud avant de prendre l’alignement
qui laisse à gauche la bouée rouge Ar Gouderec.
L'approche de Trébeurden |
Je démarre
le moteur, enroule le génois et met le pilote en fonction. Je jette un œil sur
mon GPS Portable, je suis sur une échelle assez grande et très proche des
traces de mes passages précédents.
Les traces du GPS |
Je cale donc
mon pilote sur une route parallèle aux anciennes traces, sur une trajectoire
tendue au plus court.
Il est temps
d’affaler la GV, le vent est tombé, je file a 5 nœuds au moteur.
Je croche
mon harnais sur la ligne de vie et j’affale directement la voile du pied de
mat, je l’immobilise avec l’araignée.
De retour au
cockpit je raccroche le harnais dans le cockpit.
Je m’apprête
à reprendre la barre et là, Arrêt buffet.
Un bruit
sec, le bateau s’arrête brutalement, je suis projeté contre le roof.
Par reflexe,
je mets la main pour ne pas plonger dans la descente ouverte.
Je me
relève, le bateau a repris sa route, je mets au point mort, je regarde autour
de moi, rien de visible, la lune donne une vision suffisante, je remets les gaz
doucement pour reprendre la route et je me précipite en bas : c’est un
capharnaüm !, tout ce qu’il y a dans les équipets a été projeté au fond.
Je regarde
dans la cabine arrière et le cabinet de toilette, pas de présence d’eau, je
remonte sur le pont et regarde dans le coffre tribord, pas d’eau.
C’est déjà
un point positif. Tout a l’air en place sur le pont et dans le gréement, je
contrôle ma route sur le GPS, je ne vois rien, c’est incompréhensible sur le
moment.
Je remets
les gaz et rentre au port 10 mn avant sa fermeture.
Au ponton,
avec la torche, je vois un impact sous forme d’une petite trace blanche sur la
quille tribord.
J’inspecte
les varangues, RAS.
Je suis
fatigué, un peu choqué, j’ai mal a la main (je m’en rends compte tout
juste) : au lit, demain, il fera jour.
Le lendemain
matin debout tôt, je n’arrive pas à dormir, il faut que j’inspecte la quille.
Je ne peux plus bouger mes doigts.
Je décide de
poser le bateau sur la zone d’échouage à l’extérieur du port.
Sur le sable et de loin, ça va! |
Je me mets
sur une bouée libre et j’attends la posée (une chance, les coef le permettent),
en attendant je range et ramasse les débris des verres qui ont explosé lors de
l’impact.
L’inspection
me révèle beaucoup plus de dégâts que ce que je pouvais voir a flot.
C’est impressionnant
et rassurant à la fois : je comprends pourquoi il n’a pas eu de dégât sur
la structure du bateau (ce qu’à confirmé l’expert par la suite)
Pour
comprendre, il faut savoir que les quilles du biloup sont moulées avec la coque.
Puis le
chantier coule une résine chargée de grenaille galvanisée à l’intérieur des
quilles, puis stratifie pour fermer l’opercule.
A l’endroit
de l’impact, la quille est vide, la résine sans doute trop visqueuse n’est pas descendue
jusque là. Cette portion a fait office de crash box et s’est écrasé en
absorbant l’impact sur 10 cm.
La quille
s’est ouverte en 2 sur sa partie basse et montre ses entrailles grenaillées.
Avec un peu de recul |
Je téléphone
au chantier du coin, le patron passe et examine la coque, il me fera un devis.
Je fais des
photos sous tous les angles et je préviens mon assurance qui délègue un expert.
Celui-ci se
met en rapport avec le chantier pour l’expertise.
Je retourne
chez moi, les vacances sont dans 3 semaines et j’espère que le bateau sera
réparé d’ici là…
Première
semaine d’aout, je rejoins Trébeurden en Famille, Tanteal m’attend sur un Ber,
la quille est réparée et l’antifouling a été fait, le chantier a terminé les
travaux dans les délais.
Sur Ber |
Mise à l’eau
dans l’après midi, départ pour Saint Malo…
Satisfaction
pour le chantier (Trébeurden Marine Services) et l’assurance (Axa) qui ont tous deux biens fonctionnés…
Mais alors,
que s’est-il passé cette nuit là ? Un Ofni, un caillou qui traverse sans
regarder, un cachalot retord, un sous-marin en plongée périscopique ?
Rien de tout
ça, juste un skipper qui a oublié les règles et qui s’en sort bien, on pourrait
appeler ça un rappel a la loi !
1) Le
rase-cailloux la nuit dans le courant n’est pas une bonne option
Un jour de
gros coef. en Bretagne Nord, on est bien vite dépalé par le courant, dans ce
cas on passe loin des dangers, bien dans les alignements, a fortiori seul dans
la nuit.
Je suis
passé au dessus de l’extrémité d’Ar Veskleg qui était encore sous l’eau.
On peut voir le vilain caillou qui dépasse et qui doit en avoir, des traces de gelcoat! |
2) Mieux vaut
assurer une nuit au mouillage que risquer une nuit au port
Le mouillage
de Trébeurden est bien protégé et permet de passer une nuit pas trop agitée,
aucune raison de vouloir à tout prix faire le forcing…
Mouillage devant l'ile Dumet |
3) Maitriser et
ne jamais oublier les limites de ses instruments.
Un GPS portable
n’est pas très performant au niveau de sa définition, les effets d’échelle font
apparaitre ou disparaitre des détails qui peuvent avoir leurs importances.
Un
alignement, un secteur de feux restent bien plus précis
Voilà les traces sous 3 échelles de zoom différentes, il s'agit bien sûr des mêmes traces chacun peut voir là où ça a tapé...
Echelle 0,18 NM, tout va bien |
Echelle 500 ft, tout va mal |
Echelle 250 ft, ça confirme: pas bien! |
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